FONTAINE BARTHOLDI ET PORTEURS D EAU

Journal LE SALUT PUBLIC du 28 septembre 1892

LYON ET LE RHONE
La Fontaine Bartholdi

Beaucoup de Lyonnais donnent aujourd’hui
pour but à leur promenade, la place
des Terreaux, pour y voir la fontaine Bartholdi.
Quoique de proportion un peu grande, vue
l’exiguïté delà place des Terreaux, cette
fontaine est d’un bel effet. C’est une oeuvre
d’art dans la bonne acception du mot, et la
ville n’a pas à regretter l’acquisition qu’elle
en a faite dans d’excellentes conditions de prix.
Seulement, cette fontaine n’a qu’un tout
petit tort, elle n’a pas d’eau. La mission
d’une fontaine est cependant d’en avoir ;
mais à Lyon — où, avec un fleuve et une
rivière, on ne devrait pas en manquer — on
est obligé de faire des économies ; et ce n’est
que pendant deux heures par jour qu’on peut
voir la fontaine Bartholdi avec ses cascades,
telle qu’elle doit être en un mot.
Cela nous rappelle une amusante caricature
de Cham. Elle représentait deux porteurs
d’eau — des Auvergnats, naturellement
— debout, avec leurs seaux à la main,
devant la fontaine Molière, rue Richelieu.
— Quéche que ch’était que che mochieu
Molière ? demande le premier.
— On m’a dit que ch’était un homme
d écheprit.
— Allons donc  il n’a pas cheulement
l’ècheprit de nous donner de l’eau.
La fontaine Bartholdi devait nécessairement
inspirer les poètes de notre ville ; seul
Sarrazin, c’est à ne pas y croire, est resté
muet. Un d’eux nous adresse une pièce dont
nous détachons le passage suivant, relatif à
l’inauguration :

Un peuple immense est accouru.
Sans rien savoir, on dit merveille;
Chacun croit avoir reconnu
Le fier Château-d’Eau de Marseille.
Le voile tombe vivement.
L’œuvre apparaît grande,, superbe ;
Mais il lui manque seulement
Les jets d’eau cascadant en gerbe.
Hélas ! c’est en vain qu’on attend
Que de la fontaine jaillisse
Le liquide tout écumant ;
Rien ne sort de chaque orifice.
Allons, les jets d’eau! clame-t-on.
D’un geste imposant le silence :

« Citoyens, leur dit Gailleton,
 Du calme et prenez patience ;
« L’été trop chaud, vous le savez,
« A fond a desséché la Saône ;
« Il n’en reste pas même assez
 Pour les chauds de vin dans le Rhône.
« .l’en ai prévenu Bartholdi ;
« C’est la preuve, mais sans réplique,
 Qu’il nous faut les eaux d’Annecy.
« Vive la République

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