AUVERGNE DE LYON et presse lyonnaise N°2

Journal LE SALUT PUBLIC du 29 décembre 1892

Une Vaillante

La Société l’Auvergne, de Lyon, tenait dernièrement
son assemblée annuelle au Palais-
du-Commerce, sous la présidence de M,
Eugène Tallon, président de chambre à la
cour d’appel, ancien député du Puy-de-
Dôme. M, le général Raynal de Tissonière,
M. Gravier, secrétaire général pour la police,
et un grand nombre d’autres notabilités
y assistaient.
On nous communique le passage suivant
d’un discours très applaudi prononcé par
M. Durif, avocat à la cour d’appel. Pariant
des dévoûments austères’ qui n’attendent
point ici-bas leur récompensa, l’orateur a
dit :
C’est le cas de quelqu’un de notre pays, dont je ne puis me tenir de signaler la conduite et le dévouaient admirable. Écoutez plutôt :C’était en 1870, il y a par conséquent vingt deux ans (il semble que c’était hier), dans unepetite commune que je connais bien, par là-bas,du côté d’Issoire, une mère, une veuve, avait deux fils. L’aîné, un enfant de 19 ans à peine,était parti comme volontaire dans fos rangs de l’armée de la Loire.A Coulmiers, à Marchenoir, Orléans, à Salbris, partout il combattit vaillamment.Atteint grièvement à la jambe par un obus,on dut le transporter à l’ambulance. L’opérationfut pratiquée au-dessous du genou. Mal faite elle dut être recommencée un peu plus haut. Le mal fut tel que le pauvre garçon succomba. Sa mère, accourue en toute hâte, ne put que recevoir son dernier soupir. Le corps de son fils luifut rendu ; elle le ramena et l’ensevelit auprès des siens. Après quoi, elle dit à l’enfant qui lui restait : « Ton frère est mort pour une noble« cause, il n’a fait que son devoir. Maintenant,« à toi de faire le tien. » L’enfant comprit, et à son tour il partit. Lui ne mourut pas, mais il se battit bien, si j’en crois ce petit bout de ruban jaune liséré de vert, qui orne sa boutonnière, car la médaille qu’il parte, on ne la donne qu’aux simples soldats qui l’ont gagnée sur les champs de bataille, comme elle est la récompense suprême des généraux qui ont commandé devant l’ennemi.

Sa mère, aujourd’hui retirée à Lyon, est venue ensevelir, dans une maison hospitalière de no treville, son deuil et ses regrets. Mais vous, qui habitez par delà les ponts du Rhône, là-bas, loin dans le faubourg, s’il vous arrive jamais de rencontrer dans le grenier du pauvre, ou au chevet de ceux qui soupirent, une petite femme, qui n’est plus jeune, toute vêtue de noir, vous pouvez saluer cette bonne Française, car elle est de notre pays; seulement, ne lui dites pas que je vous ai raconté son histoire, sœur Marie, qui a cependant l’âme bonne, ne me le pardonnerait jamais.

 

 

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